Faut-il éduquer à l’empathie ?

Lis attentivement ce qui suit mais surtout télécharge le kit du débutant ! 

Les incivilités entre élèves augmentent dans les cours de récréation, pendant la pause méridienne ou dans les couloirs. Des conflits qui déclenchent à l’occasion des crises de violence…

Parfois, en classe, les élèves se coupent la parole, se dénigrent, copient les uns sur les autres et se dénoncent. Ils bavardent et n’écoutent pas les rappels à l’ordre. 

Ce n’est évidemment pas une généralité (heureusement !) mais cela pèse sur l’ambiance générale de travail.

Pourtant, certain(e)s semblent plus épargné(e)s que d’autres par ce fléau. Ces profs vivent une relation apaisée avec leurs élèves et les enfants font bloc autour de leur groupe-classe ou de leur maître/maîtresse. 

Comment est-ce possible ? Ont-ils/elles un secret ? Est-ce leur pédagogie ou est-ce dû à leur personnalité ? 

Sois rassuré(e) ! Ces belles relations se construisent méthodiquement. Sur la durée. 

Pour avoir un climat scolaire apaisé, il y a des étapes à respecter. 

Dans notre blog, il y a des articles sur la façon de capter l’attention des élèves et sur les stratégies à mettre en place pour les motiver. Il y a des conseils sur la façon de limiter les bavardages, de gérer les conflits hérités de la pause méridienne et les élèves qui ont fait une grosse bêtise. 

Mais avant tout cela, tu éduqueras tes élèves à l’empathie ! Car tout se jouera là…

Tu te dis que ce n’est pas le travail de l’école, que tu as autre chose à faire de plus important, mais tu as tort. L’éducation à la sensibilité est un des 4 piliers des programmes d’EMC. C’est une stratégie gagnante pour toi mais ce sont aussi les programmes. 

Voici quelques conseils pour avoir des élèves « calmes et attentifs » et disponibles pour les apprentissages. Heureux d’être ensemble et soucieux les uns des autres. 

Mais d’abord, c’est quoi l’empathie ?

L’empathie est la capacité à se mettre à la place de celui qui est en face et de comprendre les raisons qui motivent ses actes. Faire preuve d’empathie c’est essayer de comprendre l’Autre, de saisir sa pensée et de partager ses émotions. C’est faire en sorte que l’Autre ne soit pas un étranger. C’est le regarder comme s’il était une version possible de soi. C’est se mettre à la place de l’Autre tout en restant à la sienne. 

Si un enfant tombe dans la cour de récréation et se fait mal alors que tu es de surveillance, tu comprends ce qu’il ressent et tu viens le relever et le secourir. Tu es donc empathique. 

Il existe 3 formes d’empathie. 

– L’empathie émotionnelle (l’enfant tombe. Cela agit comme un miroir sur toi : tu peux ressentir intérieurement sa douleur)

– L’empathie cognitive (tu l’aides sinon il va se sentir abandonné. Il sera malheureux en plus d’avoir mal.)

– L’empathie mature (tu en reparles avec tes élèves en classe pour les alerter sur le secours et l’attention que l’on doit aux autres quand ils sont en danger)

Mais c’est quoi un(e) prof empathique ?

Quand un(e) prof est empathique, ses élèves ressentent un flux positif et s’autorisent à avoir confiance. L’empathie est contagieuse. Un(e) prof empathique génère des élèves empathiques. 

Inutile de donner à ta classe l’injonction de bien se comporter et de s’entraider si tu n’es pas toi-même exemplaire. 

Bref, pour être empathique, il faut fréquenter des gens empathiques. 

Savoir passer une consigne, ce n’est pas juste être efficace. C’est se soucier de chaque élève. C’est ne pas le laisser dans le flou. 

Prendre le temps de voir si tout le monde a compris, c’est ne laisser personne au bord du chemin.

Proposer son aide à un groupe, entraide et tutorat, c’est accepter son rôle d’éducateur avant de revendiquer celui de prescripteur. 

Par ces actes, tu aides les élèves à développer des compétences émotionnelles positives. Quand tu es juste et que tu sanctionnes avec un règlement établi à l’avance, sans faire de préférence ou de favoritisme, tu fais passer l’idée que l’erreur est possible et que tu ne fonctionnes pas avec « un casier judiciaire ». 

L’empathie circule dans les classes où la tête pensante est chaleureuse voire joyeuse. 

Mais attention, ne confonds pas cela avec de la compassion ! 

Il s’agit d’enseigner avec bienveillance et de façon positive. 

Cela joue-t-il sur les apprentissages ?

Les apprentissages sont meilleurs quand l’enseignant(e) est empathique mais surtout quand il/elle veille à ce que tous les élèves le soient et le restent en permanence.

La recherche universitaire démontre que les classes empathiques ne connaissent pas les cas de harcèlement. Ces élèves font bloc lorsqu’un des leurs est attaqué et se tournent vers les adultes qui les encadrent pour avoir du secours. De plus, le recours à la loi (au règlement) ne suffit pas pour certains élèves : parle à leur responsabilité morale. Donc à leur empathie. Se mettre à la place de l’Autre aide à contrôler sa violence : « je ne fais pas de mal à un petit dans la cour parce qu’après, il souffre, a peur des grands, se sent rabaissé… Je n’aimerais pas être à sa place ». Les classes empathes sont motivées, impliquées dans la vie civique et ont de plus grandes capacités attentionnelles. 

Yves Reuter, chercheur en climat scolaire, démontre dans ses travaux que l’envie de se mettre au travail, de participer, de réussir dépend d’un environnement de classe empathique. 

Bertrand Jarry, CPE et formateur à Versailles, précise « éduquer à l’empathie est la clé d’un bon climat scolaire ». 

Voici un lien qui te montre à quel point cela joue sur les apprentissages : https://www.vousnousils.fr/2018/05/14/eduquer-a-lempathie-la-cle-dun-bon-climat-scolaire-614310

Quelques principes de base prônés par Bernard Jarry 

LA STRATÉGIE DE L’APAISEMENT

ÉTAPE 1 : accepter de voir l’Autre

Un conflit entre deux élèves éclate. C’est le moment (lorsque la tension est retombée, pas avant surtout !) de reparler de ce qui l’a déclenché. En classe. Pas en aparté. Fais raconter à chacun ce qu’il a vécu. Demande à ces 2 élèves de se regarder dans le calme. 

ÉTAPE 2 : se poser la question de ce chacun ressent

Propose d’imaginer ce que l’autre ressent. 

ÉTAPE 3 : nommer les émotions 

Fais verbaliser les émotions ressenties : joie, surprise, peur, colère, dégout, tristesse, mépris, révolte… 

ÉTAPE 4 : écouter les émotions de l’autre et les nommer pour lui s’il n’y parvient pas

ÉTAPE 5 : trouver la solution ensemble

Qui profitera à tout le groupe-classe.

Les conflits vont-ils donc disparaître ?

Non. Les conflits vont continuer à exister mais ils trouveront rapidement une issue heureuse. 

QUELQUES TUYAUX DE BERNARD JARRY POUR ÉDUQUER À L’EMPATHIE AU QUOTIDIEN : 

–  PARRAINER UN PLUS PETIT

Propose un parrainage CP/CM2 un jour de septembre au cours d’un goûter qui réunit les élèves des 2 niveaux de classe. 

Invite les plus grands à jouer dans la cour avec les CP et à rapporter aux adultes de l’école tout ce qui pourrait les gêner dans leur intégration. 

Crée un badge de parrain que les plus grands arboreront fièrement et propose un autre moment festif à Noël entre les plus grands et les plus petits. 

–  FAIRE UNE MÉTÉO DES ÉMOTIONS

Trouve un moment pour que les élèves dessinent ou parlent de leurs émotions puis propose-leur de voir la vie autrement : ce que la journée va leur apporter, ce qu’ils vont apprendre, les amitiés et amours qu’ils vont peut-être vivre, le nouveau jeu dans la cour qu’ils vont découvrir, l’aide que tu vas leur apporter… 

–  INSTALLER UN BANC DE L’AMITIÉ DANS LA COUR

Lis cet article qui te raconte d’où vient cette idée et ce qu’elle apporte.

https://www.20minutes.fr/societe/4008884-20221109-quoi-bancs-amitie-fleurissent-cours-recre

–  FAIRE DES RELAIS POÉTIQUES 

Ne laisse jamais un enfant seul face à sa poésie qu’il n’arrive pas à réciter. Lance des récitations où chaque élève dit une ligne et passe le relai au suivant. Si l’un n’y arrive pas, le suivant prend le relai. Félicite la classe du travail accompli. 

Propose le même jeu avec une strophe par élève. 

Laisse les élèves à l’aise proposer une récitation complète. 

Bref, on s’entraide et on arrive au bout du travail tous ensemble. 

Alors oui, éduquer à l’empathie est nécessaire !

Une devise : si tu veux des élèves empathiques, éduque-les à l’être !

Et rappelle-toi : « Éduquer à l’empathie est la clef d’un bon climat scolaire » Bernard Jarry