Comment répondre à un parent agressif ?

Ces propos qui te blessent… Et qui tournent dans ta tête sans arrêt. Qui te font douter de tes valeurs et de tes postures. Rédigés par un parent d’élève sur le cahier de liaison, reçus sur ta boite mail académique ou dans l’espace numérique de l’école, jetés à la cantonade à la sortie sur un trottoir bondé de parents d’élèves… ils t’empêchent de dormir et te font désormais douter de tout.

Tu te sens bien seul et tu ne sais plus comment réagir ni dans quel ordre procéder. Imagine comment il est compliqué pour l’enfant de savoir que son maître ou sa maitresse ne s’entend pas avec ses parents… Tu n’es donc pas le seul/la seule à te sentir mal. Les études internationales montrent qu’en cas de relationnel abimé entre la famille et l’école, les enfants se referment sur eux-mêmes ou s’agitent. Ils décrochent.

Voici quelques conseils pour passer le cap et ne pas avoir envie de jeter l’éponge !

Mais d’abord, qui sont ces parents qui se permettent de te parler sur ce ton ?

Actuellement, la situation sociale est tendue. Nous vivons une époque où les parents ont perdu leurs illusions sur le système éducatif et se rendent compte que l’École ne tient pas ses promesses d’ascenseur social. Nous sommes passés d’une société pleine de promesses à une société pleine de menaces. Ils n’ont plus la certitude que leurs enfants trouveront leur place sur le marché du travail après leurs études et qu’ils pourront vivre dignement de leur travail.

Ils en veulent à l’État et à l’École qui ne jouent plus assez bien leur rôle de promotion sociale. Les attendus scolaires et les programmes ont évolué et ils se sentent dépassés.

L’État, l’École, eh bien… C’est toi ! Tu es l’Institution.

Et c’est donc à toi qu’ils adresseront leurs griefs et c’est sur toi qu’ils déverseront, pour certains, leur ressentiment.

En gros, ta mission (et tu ne pensais pas avoir signé pour cela !) est de leur redonner confiance en l’avenir et de les inciter à travailler main dans la main avec toi.

Pour cela, comme l’École a bien changé depuis le début des années 2000, tu la leur expliqueras, tu la leur raconteras. Bref, tu la décoderas pour eux.

Voici les inquiétudes qui se cachent derrière la majorité de ces mots agressifs :

Comment puis-je aider mon enfant à réussir ?

Êtes-vous un bon prof pour mon enfant ?

Comment aider mon enfant à la maison ? Jusqu’où j’ai le droit d’intervenir dans les devoirs ?

Comment faire pour aider mon enfant puisque j’ai été nul à l’école ?

La très grande majorité de ces parents sont simplement inquiets et malhabiles avec l’École mais certains peuvent se révéler néfastes et te gêner dans ton épanouissement professionnel.

Voici un petit éventail de parents « poil à gratter » et en jaune les arguments pour les contrer :

– Les parents contrôleurs

Ils vérifient tout ce qui est dit ou fait. Contrôlent les cahiers et toutes tes communications. Relisent et trouvent parfois des oublis ou des erreurs… Qu’ils ne manquent pas de corriger et de te signaler !

Mise en classe sur l’autonomie des élèves et favorise le travail par ateliers avec des pédagogies actives. Donne peu de devoirs à la maison.

Ils mettront moins le nez dans les cahiers…

– Les parents hyper cools

Ils pensent que l’école est castratrice et que tu incarnes les contraintes. Si tu les informe de problèmes de bavardages ou d’agitation, ils ne te soutiendront pas forcément et penseront que tu es trop dans le contrôle. Ils se montreront aimables devant toi mais seront permissifs à l’arrière ce qui revient à saboter ta démarche…

Ne les informe pas régulièrement de tous les dérapages de leurs petits. Cela pourrait être contre-productif.

– Les parents usurpateurs

Ils vampirisent leurs enfants. Ils se précipitent sur le cartable le soir, font l’inventaire de ce qu’il y a à faire et le font à leur place ! Ils collent les feuilles qui trainent au bon endroit, colorient les dessins du cahier de poésie, font les exercices et demandent juste à leurs enfants de les recopier. Ils éliminent méticuleusement tous les obstacles entre l’école et leurs enfants…

Bref, n’évalue que les travaux faits en classe. Si tu donnes des exposés, fais-les préparer pendant le temps de classe et ne donne rien à compléter à la maison. Sinon tu évalueras le travail… des parents !

– Les parents élitistes

Il faut que cela bosse ! Et dur. Ces parents-là aiment les classements, les notes, les évaluations régulières. Ils adorent les comparaisons. Ce sont des performeurs !

Donne des évaluations régulières. Pas par période. Avec des révisions de toutes les traces écrites. Cela leur donnera de la matière. Ne mets pas de notes et évalue par compétences.

– Les parents précepteurs

Attention, ceux-là savent tout mieux que toi. Ils rejouent le match à la maison le soir. Ils refont les leçons, alimentent avec des documents supplémentaires, donnent des exercices supplémentaires, font refaire quand ce n’est pas assez propre etc. Ils peuvent être très pénibles en réunion de rentrée. Bref, ils font tout mieux que toi !

Prépare soigneusement toutes tes interventions orales en réunion ! Pense à leur préciser lorsque tu les rencontres, tout ce que tu fais en classe et qui ne se voit pas dans les cahiers.

– Les parents autoritaires

Ils ne vont pas être copains avec les hyper-cools. Rigueur, discipline, exigence sont leurs mots préférés. Ils sont ton meilleur soutien quand tu te plains du manque de travail ou d’implication de leur enfant. Mais attention…

Ne sois pas trop dur(e) avec tes élèves. Prends-les comme ils sont et aident les à avancer. L’élève idéal n’existe que dans la tête de ces parents et des profs.

Aie la main légère sur les devoirs sous peine de faire de la vie de certains de tes élèves un enfer. Valorise toujours les progrès quand tu rencontres ce type de parent.

– Les parents harceleurs

Et oui. Cela existe. Et tu pourrais être la victime. Si tu sens qu’ils veulent te rencontrer trop souvent et qu’ils deviennent envahissants, ne reste pas seuls face à eux. Implique ton directeur/ta directrice et dirigez-vous vers une équipe éducative. Si cela devenait houleux ou douteux, prévenez l’inspecteur/trice de la circonscription. Il ne faut jamais rester seul(e) dans ce genre de situations.

Sache que nous sommes tour à tour ces parents-là. Il y a en chacun de nous un peu de tout cela. Nous sommes parfois tentés nous-aussi d’agresser l’École dès que nous ne comprenons plus ce qu’elle veut et où elle va. Heureusement, nous sommes civilisés, bien élevés et nous avons du monde autour de nous pour nous la raconter !

Quelques principes de base pour garder le cap. Et ta dignité !

1) Ne réponds jamais à une critique lorsqu’elle est véhémente ni verbalement ni à l’écrit

2) Laisse-toi le temps de la réflexion

3) Affiche une attitude distanciée et sans affect

4) Reste juste et accompagnant(e) vis-à-vis de l’enfant. Affiche décontraction et sourire.

5) Analyse le problème et demande-toi si tu peux éventuellement avoir engendré cette réaction véhémente. On peut se tromper. L’erreur est humaine.

6) Reconnais le leadership des parents sur leurs enfants

7) Laisse les parents s’exprimer dans l’entretien et ne coupe pas la parole

8) Présente ton point de vue sur l’événement

9) Montre que tu ne vises que l’intérêt de l’enfant mais aussi son bien-être

10) Clôture sur un protocole d’actions et propose de se revoir pour faire le point

11) Donne des astuces pour parler de l’école à la maison dans la joie et la bonne humeur (questionner son enfant sur son EDT, ce qu’il a mangé à la cantine, avec qui il a joué à la récré, à quoi, le moment de la journée qu’il a le plus aimé et pourquoi, ce qu’il a appris, le copain qui l’a aidé dans la classe…)

Un mot incendiaire dans le cahier de liaison ?

Ce mot occupe plusieurs pages et n’augure rien de bon. Critique à ton égard, sur ta démarche pédagogique ou ta posture, incriminant ta façon de faire, il te gâche la journée, la nuit et la semaine. Première étape, quand l’enfant te le tend avec un air bien ennuyé (car il a peur de ta réaction et vit intérieurement un véritable conflit de loyauté…), souris-lui et dépose le délicatement sur ton bureau en disant que tu le lui rendras à 16 h 30.

N’aborde pas le sujet avec lui. Ne fais aucune réflexion. Reste maître/maîtresse de la situation.

ETAPE 1 : IL EST URGENT D’ATTENDRE !

Surtout n’écris rien sous le coup de la colère ! Elle est très très mauvaise conseillère.

Passe une matinée sympathique et profite de ta classe. Jette un coup d’œil à ce mot à midi et écris ta réponse « Madame, Monsieur, J’ai pris connaissance de votre communication et je souhaite m’entretenir avec vous prochainement. Bien cordialement. Madame Y, Monsieur x ». Évidemment ne propose aucun rendez-vous à un horaire où il n’y aurait plus personne dans l’école.

A 16 h 30, tends le cahier à l’enfant sans faire le moindre commentaire. Surtout garde ton sourire.

ETAPE 2 : PROFITES-EN POUR PREPARER TON ENTRETIEN !

– Refais-toi le film des événements et fais le point sur les torts de chacun. Peut-être faudra-t-il mettre de l’eau dans ton vin ou pas… Prends conseil auprès des anciens de l’école. Ils ont de l’expérience et connaissent les familles. Mais méfie-toi de toute attitude trop tranchée qui ferait monter la mayonnaise.

– Rédige un plan écrit et prépare ton oral

– Garde en tête que la personne qui a rédigé ce mot virulent visait l’Institution et qu’elle regrette peut-être déjà de s’être énervée à peu de frais…

ETAPE 3 : GARDE UNE POSTURE PROFESSIONNELLE PENDANT L’ENTRETIEN

Si tu sais te montrer calme, accueillant, bienveillant et positif, tu dénoueras la plupart des conflits.

– Installez-vous au calme dans la classe. Ne t’assois pas à ton bureau : cela rappelle de mauvais souvenirs à certains parents. Préfère un face à face à un bureau d’élèves ou à une table ronde. Pourquoi pas sur un banc dans la cour de récré…

– Fais preuve d’une grande qualité d’écoute. Propose au parent de présenter son point de vue. Écoute-le et ne l’interromps pas. Précise que l’enfant a des qualités et qu’il est un élément positif au sein de la classe

– Donne ensuite ta version

Comme tu as laissé l’autre s’exprimer, il devra se montrer à son tour courtois. Si tel n’est pas le cas, écourte l’entretien et propose un nouveau rendez-vous en présence d’un tiers.

– Sinon précise que la situation s’apaisera en prenant en compte les points de vue de chacun. Demande à ce parent qu’elles sont ses idées pour faire avancer les choses. Quel rôle veut-il jouer ? A-t-il besoin que tu lui explicites tes attendus, ton fonctionnement ?

Si tu savais combien de situations se calment dès que l’on tend la main à l’Autre…

Une altercation au portail de l’école ?

Ce sont des conseils similaires…

– Reste dans l’enceinte de l’école

– Fais entrer la personne dans l’école et propose un rendez-vous dans les 48 heures (n’emploie pas le mot « convocation »)

– Rassure et précise que l’École prendra en compte sa demande

– Prépare ton rendez-vous avec la même démarche que précisée ci-dessus

QUELQUES TUYAUX…

– Ne correspond pas par mail avec les parents et redonne au cahier de liaison toute sa place

– Ne copine pas avec les parents sur les réseaux sociaux

– Adhère à l’Autonome de Solidarité, à la MAIF pour te protéger juridiquement

– Si la situation s’enkyste, demande à ton directeur/ta directrice de convoquer une équipe éducative. Certains parents ont besoin que l’École leur rappelle les règles de bienséance mais aussi leurs responsabilités d’éducateurs…

Dis-toi que ce n’est pas toi qui es visé(e) mais l’Institution !

Et rappelle-toi : « Résoudre un conflit par la raison plutôt que par la force donne le sentiment d’agir de façon juste et procure une profonde satisfaction. » Dalaïlama