Comment prendre soin de sa voix quand on est professeur des écoles débutant ?

Aphone après quelques jours de classe ? Voix éraillée de chanteur italien ? Gorge enflammée ?

Avant de te précipiter à la pharmacie, lis quelques conseils pour faire de ta voix un instrument de pouvoir et de séduction. Nous te dirons quoi faire si tu veux en prendre soin pour ne plus jamais la perdre ou l’abîmer, et chanter à tue-tête autant que tu le veux !

Sache que 40% des enseignants signalent un inconfort vocal et 15% d’entre eux développent une pathologie vocale invalidante chronique. Les débutants sont très à risque car ils ne sont pas habitués à jouer avec leurs cordes vocales. La MGEN souligne que les professeurs des écoles sont les plus touchés par les maladies de la voix.

Les classes chargées, les cours de récréation aux décibels trop élevés, le besoin de monter la voix pour se faire entendre, le port du masque, et bien d’autres éléments te feront forcer sur ta voix. Tu abimeras tes cordes vocales et tu auras peut-être des douleurs chroniques.

Voici des solutions pour éviter les dysphonies qui impliquent les médicaments, les séances d’orthophonie ou de phoniatrie et charmer ton auditoire par ta voix de velours.

A. Rayonne en classe grâce au pouvoir de ta voix !

Les premiers jours sont décisifs. Tes élèves auront une idée de ta personnalité et de ton professionnalisme dès le premier soir et ils ne manqueront pas d’en parler à leurs parents dans la foulée. Eux-mêmes en parleront entre parents à la sortie de l’école, au téléphone et WhatsApp fera le reste. En une semaine, tout le monde saura qui tu es.

Voici une liste de recommandations qui te seront utiles pour user de ton organe vocal à bon escient.

ÉTAPE 1 : ASSUME TON STATUT

Selon Jean Sommer, ( https://jean-sommer.fr/les-articles/ ) coach vocal et formateur sur la prise de parole en public, une voix bien posée dépend de l’image que nous nous faisons de nous-mêmes. Quiconque prend la parole en public doit prendre conscience qu’il impose à son auditoire un rythme de paroles, un phrasé et une intonation. Une voix bien posée est la voix d’une personne qui assume son métier. Jean Sommer pense qu’il ne faut avoir aucun complexe avec son métier et ses valeurs si l’on veut que notre voix nous suive. Chez un enseignant, la voix incarne le pouvoir, l’influence et le charme.

En gros, Jean Sommer explique qu’on rend l’autre intelligent parce qu’on est intelligible. Si tu veux être un prof charismatique, garde en tête que ta voix a du pouvoir.

ÉTAPE 2 : PRENDS CONSCIENCE QUE TA VOIX DIT QUI TU ES

Notre voix dit notre personnalité et reflète nos compétences.

– Ceux qui parlent fort ont une volonté de surplomb ; ils ont une voix enveloppante, neutre, qui rassure. Cette tonalité renvoie à une notion de calme et de certitude sur les faits énoncés. Quand ces personnes se fâchent et haussent le ton, la modulation de leur voix surprend et marque l’auditoire.

– Les voix aigües type voix de crécelle qui perce les tympans, n’ont pas ce pouvoir et sont difficiles à supporter quand le ton monte.

– Ceux qui parlent trop vite ne vont pas forcément à l’essentiel et ont peur de manquer de temps pour boucler leurs propos. Si l’attention des élèves est trop sollicitée pour les suivre, il y a un risque réel de décrochage.

– Ceux qui parlent trop lentement renvoient un manque de dynamisme, ceux qui ne finissent pas leurs phrases laissent les savoirs incomplets.

Bref tu l’as compris, adopter un ton neutre et posé avec une voix qui enveloppe est fondamental.

Il existe une application de la MGEN, Vocaliz, (https://www.mgen.fr/vocaliz/) qui te permet de connaître ton style vocal et qui propose des exercices pour utiliser au mieux ta voix en classe en fonction de ta personnalité vocale. Télécharge-la et teste-toi. Des conseils te seront donnés pour apprendre à mieux l’utiliser en classe.

ÉTAPE 3 : APPRENDS À AIMER TA VOIX

« Es-tu dans ta voix ? » pourrait te demander Jean Sommer. Sais-tu l’utiliser sans forcer ? Pour cela, il te préconise d’apprendre à l’aimer.

Écoute-toi parler en jouant la scène. Répète comme le ferait un acteur avant de monter sur scène. Car c’est bien une scène que tu auras devant toi : avec parfois jusqu’à trente spectateurs. Repère les moments où il faut parler fort, ceux où tu seras neutre et les accentuations que tu produiras pour souligner tes propos. Enflamme-toi lorsque tu racontes une histoire, lorsque tu sens que ce que tu dis doit rester dans les têtes de tes élèves.

Mets de l’énergie dans ton regard, ta diction et ta respiration. Même si tu t’adresses essentiellement à un groupe, fixe ceux à qui tu parles en particulier. Exagère ta diction quand tu passes une consigne ou que tu veux retenir l’attention sur un mot ou un concept. N’oblige jamais l’élève à tendre l’oreille pour comprendre une consigne ou un déroulé de séance. Débrouille-toi pour avoir le calme juste avant et exige le silence quand tu donnes une consigne.

Si tu es volubile, profite-en pour être très explicite et accompagne pas à pas tous les apprentissages. Si tu es discret, compense par ta précision et par des mises en activités avec des ateliers.

ÉTAPE 4 : COMPENSE TES DÉFAILLANCES VOCALES PAR DES STRATÉGIES PÉDAGOGIQUES

Mutilé de guerre (blessé au niveau des poumons) pendant la première guerre mondiale, Célestin Freinet se rend compte qu’il ne peut plus utiliser sa voix en classe comme il le faisait avant. Il met donc en place des stratégies pédagogiques et des dispositifs de classe pour économiser son flux vocal. Il théorise l’équilibre des temps de parole entre enseignant et enfants.

La mise en activité des élèves en ateliers, avec de l’entraide et du tutorat lui réservent la possibilité de faire des pauses. « Parler le moins possible » devient un slogan de la pédagogie Freinet. Quand tu es aphone, fais comme Freinet, travaille en atelier et responsabilise les enfants pour reposer ta voix.

Grâce à cette économie, tu pourras user et abuser de ta voix pour les séances d’EPS, les LVE et la musique !

S’il fallait remettre le masque, il existe des micros-casques qui peuvent t’aider à monter ta voix artificiellement. La technologie nous aide aussi…

B. Chouchoute ton instrument vocal

Si tu perds ta voix ou que tu l’abimes, tu perdras immanquablement une partie de ton aura et de ton pouvoir sur le groupe. Un professeur à la voix cassée est comme un chevalier à l’épée émoussée. Voici quelques tuyaux pour garder ton instrument en état. Qui veut aller loin ménage sa monture…

ÉTAPE 1 : ASSUME

– Dis-toi que ta voix guide la classe comme le phare dans la nuit guide les marins perdus !

ÉTAPE 2 : ÉCHAUFFE-TOI

– Chante avant d’aller en classe (dans ta salle de bain, ta voiture…) a capella ou en écoutant de la musique. En plus, tu seras de bonne humeur !

ÉTAPE 3 : ENTRAÎNE-TOI

– Répète tes cours à la maison

– Inscris-toi dans une chorale ou chante

– Fais de la musique et des vocalises

-Travaille la posture : le haut du corps (muscle le haut de ton dos pour te redresser et avoir une posture digne !)

ÉTAPE 4 : HYDRATE-TOI

– Bois régulièrement de l’eau pendant la journée. Les conseils donnés aux sportifs pour protéger leurs tendons sont transférables aux enseignants pour leurs cordes vocales.

ÉTAPE 5 : REPÈRE LES SIGNES ANNONCIATEURS DE PROBLÈMES

– Ça craque, ça picote…

– Tu es enroué, ta voix est cassée, éraillée…

– Tu ne peux plus crier ou monter ta voix

– Tu ressens une boule dans la gorge et si tu appuies dessus tu t’étouffes

– Ta voix s’éteint par moments

Prends rendez-vous immédiatement chez ton généraliste. Si tu laisses courir, tu prends le risque d’être aphone et d’abîmer ta voix pour le reste de ta carrière.

C. Crée un environnement propice au bien-être vocal

1. Passe « un contrat sonore » avec ta classe pour agir sur le bruit de fond. Mets-toi à chanter « Pa papalapa » et laisse-les répondre « Papa ! ». Ce mode de fonctionnement observé dans une école en Suède, montre qu’il faut rendre actifs les élèves même quand on leur réclame le silence. Le fait qu’ils répondent en chantant eux-mêmes les implique dans ta demande.

2. Dans la cour où le niveau sonore peut être dangereux pour les oreilles de tous, ne crie pas mais déplace-toi quand tu veux parler à un élève. Gare à la sur sollicitation de tes cordes vocales ! Munis-toi d’un sifflet à soufflet : ce n’est pas « ringard » ! En cas d’urgence, ne t’égosille pas et siffle. Seulement si c’est grave.

3. Sensibilise tes élèves aux nuisances sonores. Boug Balls ou Classroomscreen sont des applications qui mesurent le bruit. Utilise-les dans ta classe selon les activités ou dans la cour. Fais mesurer le bruit aux élèves et reporte les données dans un tableau. Discute avec eux des endroits où il vaut mieux parler bas si on ne veut pas abîmer ses oreilles et fatiguer son cerveau.

4. Aménage une classe anti-bruit. Fais retirer les chaussures, propose des chaussons ou laisse les élèves marcher en chaussettes sauf si ça glisse trop. Place des éléments dans les coins de la classe pour casser les vibrations acoustiques. Fais coller des panneaux d’affichage en liège pour casser la réverbération du son. Ajoute des matières qui absorbent le bruit : tapis de sol, rideaux aux fenêtres, cloisons mobiles, sets de tables pour les bureaux, balles de tennis coupées ou patins autocollants sous les pieds de chaise…

5. Aménage un coin de repli pour ceux qui ont besoin de s’isoler. Un coin bibliothèque, un coin de l’écrivain, un coin sciences… peu importe. Pour certains, se mettre à l’écart, même si le bruit de la classe reste présent, c’est déjà s’extraire en partie du bruit.

6. Pour les élèves avec troubles de comportement, propose des élastiques de chaises ou des ballons de kiné (avec parcimonie).

7. Fais classe dehors ! En sortant de la classe, on s’extrait des nuisances sonores et on se déstresse.