Comment gérer les conflits hérités de la pause méridienne ?

Il est 13h30, la pause méridienne est terminée. Tu récupères tes troupes pour une belle après-midi de classe. Tu as préparé des trucs sympas et réussi à corriger tes piles de cahiers. Tu es de bonne humeur. Dans 3 petites heures, l’école est finie !

Seulement voilà. Tes élèves sont déchainés, excités et reviennent vers toi après la pause méridienne pleins de rancœurs, de griefs contre leurs camarades, les dames de service et la vie en général. Ils vocifèrent et se regardent avec animosité. Tu décrètes que ces problèmes ne sont pas les tiens et qu’ils règleront cela plus tard avec la mairie ou je ne sais qui, seulement voilà l’ambiance est retombée. Et il faut faire preuve de beaucoup de poigne pour maintenir l’attention et la motivation de tout le monde. 

Voici quelques conseils pour revenir en classe avec des élèves apaisés, « calmes et attentifs » comme des élèves devraient tous l’être !

Mais d’abord, pourquoi tes élèves se mettent-ils dans un état pareil ?

Tes élèves te quittent à 11 h 30 pour se rendre à la cantine. 

Dans un monde idéal, ils savourent un excellent déjeuner, servi avec sourire et bienveillance, entourés d’amis chaleureux et ils jouent à de nombreuses activités dans une cour de récréation spacieuse et spécialement conçue pour eux. 

Dans la réalité, ils déjeunent à un train d’enfer car ils sont trop nombreux. Les temps de service de cantine se succèdent en cadence. Le personnel municipal fait de son mieux mais il a du mal à apporter à chacun l’attention qu’il mérite. Puis pendant 1 h 30, ils se retrouvent entassés dans la cour sous la pluie, le vent, le froid, la canicule… 

Imagine-toi dans cette situation : serais-tu à ton aise ? Penses-tu qu’il n’y aurait pas de tensions avec tes collègues ? Certaines écoles de centre-ville peuvent avoir plus de 400 élèves. Regroupés dans un espace minimaliste, ils s’agacent forcément. Conflits, chamailleries, bagarres, harcèlement, rivalités et jalousies voient le jour. La sonnerie retentit et ils se rangent devant toi prêts à en découdre avec l’Autre. Et voilà comment tu hérites des conflits de la pause méridienne dans ta classe !

Quelques principes de base pour sortir gagnant de ces moments difficiles !

1) Apprends à perdre du temps pour en gagner

En bleu, ci-dessous, nous te proposons un rituel de retour en classe. Les étapes qui te sont proposées sont explicités aux élèves en même temps que le travail sur le règlement de classe en début d’année scolaire

2) Mêle-toi de la vie de tes élèves lorsqu’ils sont à l’école

3) Fais de ces moments des « études de cas » pour apprendre à l’élève la règle et le droit mais aussi l’empathie

ÉTAPE 1 : LE SAS DE DÉCOMPRESSION

Instaure un rituel de retour en classe. 

La sonnerie vient de retentir. Récupère tes troupes rangées deux par deux, bien alignées et en silence. 

Et attends bien le silence avant d’avancer vers ta classe. Cela semble un peu militaire au premier abord. Mais ce calme imposé force leur rythme cardiaque à descendre progressivement. Inutile de te fâcher ou de dire quoi que ce soit. Cela sera comme cela tous les jours. Qu’il y ait des problèmes ou pas. C’est un sas de décompression. 

L’élève retient que l’on ne pénètre jamais dans une salle de classe agité dans son corps et/ou dans sa tête. Si certains tentent une parole, mets ton doigt sur ta bouche et regarde-les dans les yeux. L’enseignant(e) ne règle jamais aucun problème dans le rang. Avance avec eux sans mot dire vers ta classe et n’hésite pas à faire des pauses régulières pour s’assurer que le calme est toujours là. 

La porte de ta classe est là. 

Fais pénétrer tes élèves à l’intérieur d’un geste de la main. Toujours sans rien dire. 

Fais les s’asseoir. 

ÉTAPE 2 : LA POSTURE DE RESPECT

Comme tu le leur as appris, ils restent une minute en posture calme. Assis correctement sur leurs chaises, dos collé au dossier, tête droite et mains sur les cuisses paumes tendues vers le plafond. Ils peuvent fermer les yeux. 

Cette posture dérivée du yoga amène un moment de concentration après le calme. Ce silence qui dure marque le respect que les élèves ont pour leur enseignant(e) et leur salle de classe. 

ÉTAPE 3 : LA POSTURE D’ÉCOUTE

Puisque le calme revient, les yeux s’ouvrent. 

Tu questionnes donc pour savoir quel est le problème. Seuls les élèves qui lèvent le doigt sont interrogés. Choisis de parler avec ceux qui savent garder leur calme et qui font preuve de respect dans leurs propos. 

Ne fais pas de réflexions aux autres mais passe leur tour. 

Si la tension monte, reviens à la posture de respect. 

ÉTAPE 4 : LA POSTURE D’AUTORITÉ

Remercie les élèves pour les informations qu’ils t’ont apportées et précise que tu gères. 

Laisse-toi le temps de la réflexion et apporte une solution au problème soulevé. 

A toi de voir si tu utilises le règlement de classe, s’il faut programmer un conseil d’élèves, rencontrer le personnel municipal, le directeur/la directrice… mais ne laisse pas tes élèves sans solution. Sinon ils seront déçus et t’en voudront. 

Tu as ici l’impression de perdre du temps sur les enseignements ou de te mêler de ce qui ne te regarde pas ? Mais tu éduques ! Et l’élève est aussi « un enfant qui doit être accueilli à l’école dans sa globalité » (Loi de Refondation de l’école 2013). En fait, l’élève est un enfant qu’il faut éduquer. 

Ce que tu perds en te coltinant cette leçon de vie, c’est du temps sur la belle leçon de sciences, d’histoire … que tu as prévue. Ce que tu gagnes en gérant cette situation, c’est l’idée que l’enseignant(e) est juste et se soucie du bien-être tous. 

Tu gagnes une posture affirmée, le statut de guide et d’accompagnateur, le respect de tes élèves et des parents. Tu gagnes une classe mieux tenue. 

QUELQUES TUYAUX POUR TE FACILITER LA VIE 

–  Place une boite à idées au fond de ta classe : les élèves de cycle 3 y déposeront toutes les idées qui améliorent la vie de la classe. Ils peuvent aussi y glisser les demandes d’aide. 

–  Mets une peluche affublée d’un sac à dos dans le coin bibliothèque : les élèves de cycle 2 pourront glisser des dessins de leurs émotions (colère, tristesse…)

–  N’oblige personne à s’excuser ou à se réconcilier. Préfère un débat d’idées, un dilemme moral ou propose une action pour repartir à zéro !

–  Éduque à l’empathie à la place : pose cette question « qu’aurais-tu ressenti à la place de Bidule s’il t’avait fait la même chose ? » 

Une devise : Accepte de perdre du temps pour en gagner !

Et rappelle-toi : « La contribution la plus positive à la paix sociale réside dans l’éducation de l’enfant » Maria Montessori