Ou comment gérer l’hétérogénéité dans ta classe ?
Y’a ceux qui tournent tout seuls (tu adores). Y’a ceux qui ont besoin de toi (ça se complique, tu en as plein et même avec beaucoup de bonne volonté tu ne peux pas te couper en 12). Y’a ceux qui ont tellement de difficultés qu’il faudrait que tu sois totalement et uniquement là pour eux (tu rêves de pouvoir les aider mais les miracles se font attendre et ta journée ne fait pas 72h). Y’a aussi ceux à besoin particulier. Y’a aussi les allophones. Y’a aussi ceux qui sont absents souvent. Y’a aussi le petit timide qu’on oublie dans son coin (tu sais d’ailleurs pas trop ce qu’il sait faire). Bref, tu as une classe hétérogène. Ben oui c’est le quotidien de tout professeur des écoles (on te l’avait peut-être pas dit, ça).
OK, mais du coup maintenant c’est toi qui as un problème. Tu ne sais pas trop comment on fait, ou tu as une petite idée mais rien que d’y penser tu paniques, ou tu as bien compris mais tu voudrais qu’on t’explique comment passer une journée en classe, rentrer chez toi épuisé(e) et passer la nuit à préparer la classe, une classe adaptée à chacun. Parce que tu l’as entendu ce mot mystérieux, horrible et stressant à la fois : différenciation.
Faut pas pousser mémé dans les orties. Tu voudrais bien qu’ils comprennent là-haut au ministère que tu n’es pas en capacité de préparer 30 trucs différents pour chaque activité ! Parce que des activités y’en a plein tous les jours ! Et que tu n’es pas un super héros (même si tu t’en approches).
Faisons le tour de la question ensemble
1) Un bourgeois très connu faisait de la prose sans le savoir. Et bien toi tu fais déjà de la différenciation (sans en avoir conscience) !
Et oui, tu vois, on commence par une bonne nouvelle. Différencier ce n’est pas seulement proposer une activité totalement différente à un élève ou un groupe d’élèves. Face à toi tu as des élèves aux profils différents. Varier les situations d’apprentissage, varier ses façons d’expliquer, diversifier les outils, les modalités de travail, sont des solutions pour que davantage d’élèves s’y retrouvent. Ton visage s’éclaire : mais oui bien sûr que tu fais ça ! Donc forcément tu proposes déjà une forme de différenciation. Apprécie le sentiment de déculpabilisation qui t’envahit.
On t’explique tout de même pourquoi. Un élève qui n’aura pas compris lors d’une première explication ne comprendra toujours pas si tu lui ressers la même chose. Il y arrivera peut-être si tu changes l’exemple ou la procédure ! Une consigne reformulée plusieurs fois aura plus d’efficacité pour les mêmes raisons. Et attention, reformuler ne veut pas dire répéter à l’identique mais bien dire la même chose avec d’autres mots. Faire reformuler une consigne par les élèves avec leurs propres mots pourra résoudre un problème de compréhension de lexique pour certains. Proposer différentes modalités d’apprentissage est également bénéfique : quelques élèves comprendront mieux en groupe, d’autres seront plus à l’aise en binôme ou auront besoin d’une aide individuelle. Chacun son truc !
2) Limiter les difficultés avant de différencier
Là nous te proposons de prendre ce problème dans l’autre sens. Au lieu de réparer tu vas anticiper et sécuriser pour diminuer le risque de casse. You see what I mean ? Parce que si tous tes élèves ont bien compris, ben plus besoin de proposer des activités spécifiques et différenciées. Ou moins. Si les difficultés persistent alors tu pourras prendre un groupe d’élèves avec toi, proposer une remédiation, les inscrire en APC, faire de l’étayage individuel.
Alors tu fais quoi pour limiter la casse ?
– Adopter un enseignement explicite
Tu expliques à tes élèves ce qu’ils vont apprendre, ce que tu attends exactement d’eux, comment et grâce à quels outils / comportements ils vont réussir, à quoi ressemblera la production finale, quand et à qui ils peuvent demander de l’aide. Même si c’est une activité qu’ils ont déjà faite. Dans une journée très dense on peut oublier. Tu es en maternelle, tu expliques tout de cette façon avant de les envoyer en ateliers autonomes, tu verras que tu seras moins dérangé(e). Tu es en élémentaire ? Tu éviteras de découvrir qu’au bout de 10 minutes certains n’ont toujours pas commencé parce qu’ils n’avaient pas compris.
– Bien gérer la mise en commun
C’est un moment clé. A ne rater sous aucun prétexte. Et à ne pas transformer en correction inutile. La mise en commun est le moment de la confrontation. Tes élèves ont réfléchi. Tu les laisses parler, tu te mets en retrait. Tu ne valides pas, pas plus que tu n’invalides. Tu te mors la langue. Ton rôle c’est de noter toutes les propositions et de relancer, questionner pour que chacun explique sa procédure et surtout la justifie. Ensuite tu pourras intervenir pour demander des précisions, signaler l’erreur si personne n’a trouvé, donner une autre proposition ou valider. Si une procédure est fausse, cela permettra à certains de comprendre pourquoi (et au passage tu repères l’origine des difficultés de tes élèves, et bam d’une pierre deux coups). Si c’est juste, cela permettra d’inspirer ceux qui n’avaient pas trouvé. Et ne te dis pas que les autres vont copier et que ce n’est pas bien. Justement il faut que les élèves en difficulté s’imprègnent de ces bonnes procédures. On ne nait pas avec toutes les procédures réflexives stockées dans le cerveau. Réfléchir, penser, ça s’apprend, comme le reste. Nous en profitons pour une petite parenthèse sur les fameux plans de travail. Sans mise en commun, sans moment collectif pour parler des procédures et des difficultés, tu risques de passer à côté de l’essentiel : enseigner. Alors attention à ne pas proposer seulement des fichiers autocorrectifs et des activités d’entrainement sans aucun retour dessus.
– Instaurer une réflexion commune en amont
Une amorce, un brain storming, quelques pistes pour démarrer…Ce petit coup de pouce permet à ceux qui n’ont pas d’idées de ne pas rester démunis. Adieu la panique devant la page blanche.
– Rappeler les outils repères
Les affichages, les cahiers de leçons, les boîtes à mots…Tous ces outils sont des aides précieuses. Encore faut-il que tes élèves l’aient compris ou/et qu’ils s’en souviennent. Tu vas donc devoir leur expliquer clairement comment et quand se servir de ces outils, et le rappeler systématiquement en début d’activité. Les élèves seront davantage autonomes, et pour certains cette aide suffira.
– Expliquer les comportements
Toujours par souci d’efficacité, expliquer les bons comportements à tes élèves est une excellente solution. S’ils savent comment gérer, comment agir, s’ils ont une idée précise de la meilleure façon de se comporter pour réussir, alors ils auront moins besoin d’aide. Tu pourras te concentrer sur ceux qui en ont le plus besoin.
– Laisser du temps
Certains enfants ont besoin de plus de temps que d’autres. Leur laisser la possibilité de refaire, de recommencer, leur laisser le temps de réfléchir peut permettre à ce type d’enfants de progresser. En maternelle par exemple, leur laisser la possibilité de s’inscrire plusieurs fois au même atelier. En élémentaire leur donner le droit de refaire un exercice. Même problème à l’oral. Quand tu poses une question, qui répond ? Les plus rapides. Est-ce que ça veut dire que les autres ne savent pas ? Non, ils ont juste besoin d’un peu plus de temps pour réfléchir. Laisse un petit temps de silence après tes questions orales pour empêcher les plus rapides de prendre toute la place. Tu verras davantage de doigts se lever.
– Bien choisir les activités
Dans certains exercices il y a parfois des pièges. Pièges dans lesquels les élèves tombent à pieds joints. Résultat, ils ont un sentiment d’échec. Et toi, tu évalues quoi ? Que tes élèves sont tombés dans ce piège. Est-ce que la compétence visée a pu être évaluée ou travaillée ? Non. Alors pour éviter de perdre tes élèves, supprime les pièges ou les trucs irréalisables. Ou garde ça pour les très forts qui s’ennuient. Car pour eux aussi il faut différencier.
3) Proposer des dispositifs plus spécifiques
Parfois, malgré tout ça, certains élèves ne sont toujours pas en capacité de réussir. Alors dans ce cas, tu devras proposer une activité adaptée. Autant que possible, propose la même activité mais adapte le support. Si l’enfant se sent mis à l’écart du groupe classe avec une activité totalement décrochée cela pourra être contre-productif.
Et là tu fais comment ?
– Commence par les observer.
Observe leurs procédures, leurs comportements, questionne-les sur ce qu’ils se sont dit dans leur tête. Demande-leur de t’expliquer comment ils en sont arrivés à ce résultat. Toutes ces infos te serviront à leur proposer une aide efficace.
– Utilise les outils numériques.
On n’y pense pas toujours, mais une histoire écoutée sur une tablette pour un élève non lecteur ou allophone, un exercice illustré par des images, des propositions adaptées et différenciées parmi tous les logiciels existants sont une solution pour différencier.
– Adapte les exercices
Propose des exercices plus courts, des réponses à choix multiples, des textes à trous, indique des indices supplémentaires, réduis les étapes, rajoute un schéma, fournis un outil d’aide supplémentaire… Toutes ces adaptations pourront permettre à ceux qui sont le plus en difficulté de réussir selon leurs capacités. Pour cela la clé c’est d’anticiper. Lors de ta préparation, tu dois réfléchir et identifier les obstacles possibles et concevoir ces activités différenciées.
– Travaille avec les collègues
Prépare avec un collègue du même niveau de classe. Réfléchissez ensemble et répartissez-vous les activités différenciées à préparer. A deux on va plus loin et plus vite. Demande aux autres collègues de l’équipe s’ils n’ont rien à partager, demande-leur de l’aide si tu ne sais pas comment t’en sortir.
Voilà déjà pas mal de conseils à mettre en place. Rien de tout ça ne se fera en un claquement de doigts, mais si tu suis cette voie, tu gagneras en efficacité, en rapidité et en expertise !